
Congé Paternité : ce que notre Société dit aux Femmes
Le congé paternité s'invite dans tous les débats: sociaux, politiques, économiques. Une prise de parole qui peut donc faire lever le sourcil de certains. Comme si le partage des responsabilités parentales n’était pas une évidence, comme si les femmes devaient faire passer leur santé mentale et leur carrière après l'économie du pays.
Pendant que les mères se remettent tant bien que mal d’un accouchement, certaines se retrouvent seules à la maison après seulement quelques jours, voire heures. Si le congé paternité a (enfin) évolué, il demeure bien trop court pour permettre un réel équilibre. Et derrière ce chiffre de « 25 jours » se cache une profonde inégalité, mais aussi un manque flagrant de reconnaissance du vécu physique et psychique des femmes.
25 jours pour l'égalité, vraiment ?
Depuis juillet 2021, le congé paternité a été allongé à 25 jours (dont 4 obligatoires à la naissance). Une avancée, oui, mais encore bien trop timide. Car en réalité, en maintenant un écart, la société continue d’assigner la mère aux enfants et le père à la carrière.
À l’international, certains pays montrent la voie : en Espagne, les deux parents ont droit à 16 semaines chacun ; en Suède, le congé parental s’élève à 480 jours à partager librement entre les deux parents.
En France, la norme implicite reste la même : la mère reprend rapidement le relais. Le message sous-jacent est clair : « c’est ton rôle, ton corps, ta responsabilité. »
Les conséquences sont doubles : une pression accrue sur les mères et une société qui maintient les pères dans une place injustement secondaire.
À 30 ans, bonjour le "Risque maternité"
Entre cette crème "premières rides" qui fait son apparition dans la salle de bain et le début de discussions passionnées avec notre caviste, c'est le "Risque maternité" qui frappe à la porte des trentenaires.

"Le risque maternité caractérise la discrimination professionnelle que notre société fabrique en rendant les femmes moins disponibles du fait de leur maternité" — Violaine Duport, autrice de "Maternité, Paternité, Parité"
En France, pour un employeur, le calcul est simple : une femme prendra en moyenne 3 mois d’arrêt pour sa maternité, tandis qu’un homme ne s'absentera que 25 jours. Alors, pourquoi s’étonner que certains employeurs hésitent à recruter une femme de 30 ans sans enfant ?
Si on fait le topo, en 2025, être une femme dans le monde du travail c'est toujours rester sous la barre des salaires masculins -on connait tous la fameuse date du 8 novembre, et en milieu de carrière Oh joie ! on nous colle le « risque maternité ».
Ce que notre société dit au corps féminin
Le congé paternité ne concerne pas seulement « le père et l’enfant », il touche directement à la mère et à son corps.
Le manque d'éducation de notre société sur ce qu'est un accouchement le banalise, pourtant nous parlons de l'une des épreuves physiques les plus intenses qui soient, classée parmi les douleurs les plus violentes.
Une femme met en moyenne 6 mois à récupérer la pleine mobilité de son corps, les douleurs et saignements durent jusque 4 à 6 semaines après la naissance tandis que l'équilibre hormonal se rétablit au bout de 3 mois.
Laisser une jeune maman seule à la maison revient à :
❌ Minimiser la charge immense de l’allaitement, des nuits blanches, des douleurs et des bouleversements hormonaux.
❌ Lui refuser le repos, le respect et la reconnaissance dont son corps a besoin
❌ Nier la vulnérabilité du post-partum - voir ci-après la dépression post-partum et le suicide maternel
Trop nombreuses sont les femmes qui vivent en silence le choc de ne pas être reconnues dans « l’après ». Merci à toutes celles dont les langues se délient enfin - la chaine de podcasts Bliss est une mine d'or pour ça.
Dépression post-partum et suicide : première cause de mortalité maternelle
La dépression post-partum touche en moyenne 1 femme sur 6*, ses effets sont encore trop souvent minimisés et ses conséquences méconnues.
En France, selon l'Enquête Nationale Confidentielle sur les Morts Maternelles publiée par l'Inserm et Santé Publique, le suicide est la première cause de mortalité maternelle - soit 17 % des cas, avec un pic autour du 4ᵉ mois post-partum, devant les maladies cardiovasculaires !
"Une femme en post-partum se suicide toutes les trois semaines" Comme l’explique Véronique Tessier, sage-femme et membre du Comité National d'Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM)
Cette réalité alarmante, encore plus marquée au Royaume-Uni et aux États-Unis met en lumière un enjeu de santé publique international majeur.
"Les chiffres de la mortalité maternelle sont un indicateur fondamental de santé maternelle pointant les dysfonctionnements du système de soins, des inégalités et des priorités en matière de santé maternelle" Catherine Deneux, responsable de l'ENCMM et directrice de recherche à l'Inserm
Valoriser le congé paternité c’est offrir un accompagnement concret et quotidien aux mères dans cette période où l’isolement peut avoir des conséquences dramatiques et faciliter le repérage des signes de détresse.
Il n'y a pas de donnée plus parlante pour nous inviter à reconsidérer urgemment la santé mentale des jeunes mamans.
Au-delà d’un droit, un enjeu de société
Le congé paternité dépasse la simple question d’égalité. Il reflète la manière dont la société perçoit la naissance, la parentalité et le corps des femmes.
En imposant au père un congé paternité trop court notre société crée une forme de mépris institutionnalisé du vécu féminin.
Heureusement, je vois émerger – dans ma vie personnelle comme sur la scène publique – de plus en plus de voix, masculines et féminines, qui réclament un véritable changement. Et si on les écoutait enfin ?
Parce qu'au fond c'est une histoire qui se raconte à deux - comme l’illustre si bien Yehuda Devir.

Sources:
*“Suicide en période périnatale : données épidémiologiques récentes et stratégies de prévention” (BEH, mars 2023)
**Enquête Nationale Confidentielle sur les Morts Maternelles (ENCMM), 7e rapport 2016-2018 publiée par Santé Publique France et l'INSERM
Interview de @charline.sagefemme par Nina Ramen
Violaine Dutrop, “Maternité, paternité, parité” (Éd. du Faubourg)
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